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Innovation

Les innovations offrent parfois des avantages si grands – du moins, à première vue – qu’elles ne tardent pas à remplacer les modèles éprouvés. C’est à l’innovation que l’on doit, par exemple, la baisse du coût de l’énergie conjuguée à l’augmentation de la production et de la fiabilité. C’est pourquoi la roue hydraulique en usage avant notre ère s’est aussi bien imposée que le lac de barrage servant à la production d’électricité au cours du siècle dernier.

L’innovation peut aussi améliorer considérablement l’existant. Grâce aux nouvelles technologies, les éoliennes sont moins bruyantes, les pompes à chaleur plus économiques et les capteurs solaires plus performants. Dans l’histoire de l’humanité, l’innovation est sans nul doute l’un des principaux moteurs de la transformation des systèmes énergétiques.

Dans le cadre du programme national de recherche 70, de nombreux projets se sont aussi intéressés aux innovations techniques, notamment à la géothermie profonde. Celle-ci permettrait d’exploiter la chaleur à une profondeur comprise entre 400 et 5000 mètres sous terre. L’énergie géothermique terrestre étant pratiquement inépuisable, elle représente l’une des ressources les plus prometteuses pour l’approvisionnement énergétique.

 

Connaître les ressources à disposition

Indépendance

L’économie énergétique a pris depuis longtemps une dimension internationale : les sources d’énergie sont exportées d’un pays à l’autre, le courant électrique est acheté à l’étranger. Conséquences : les dépendances qui en résultent envers d’autres États peuvent inciter une société à changer son système énergétique.

L’histoire de la Suisse est jalonnée d’exemples éloquents. La dépendance au charbon allemand a entraîné le développement massif de l’énergie hydraulique et l’intensification de l’électrification à l’issue de la Première Guerre mondiale et après une pénurie de charbon lourde de conséquences. Les autorités suisses et aussi les producteurs d’énergie locaux se sont également mobilisés après le choc pétrolier de 1973 : l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) avaient alors décrété un embargo sur le pétrole à destination des États occidentaux en raison de leur soutien à Israël dans la guerre du Kippour. Le prix du baril a alors flambé. C’est à cette époque que la Suisse a commencé à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, notamment en développant l’énergie nucléaire. Alors que la part du pétrole dans la consommation énergétique brute s’élevait à 79 % en 1971, elle ne représente aujourd’hui plus qu’environ 40 %.

Ce chiffre montre que la Suisse est encore loin d’être autosuffisante sur le plan énergétique. Ce faisant, elle partage le sort de nombreux États : l’Europe continue d’importer des combustibles fossiles pour plus d’un milliard d’euros par jour. De nombreux États exportateurs sont considérés comme politiquement peu fiables : c’est notamment le cas de la Russie, de l’Arabie saoudite, de la Libye et du Venezuela. C’est pourquoi, dans nombre de pays, la réduction des dépendances constitue un moteur essentiel de la transformation du système énergétique.

Néanmoins, les nouvelles énergies renouvelables aussi peuvent créer des dépendances. Un projet de recherche a notamment étudié les risques d’une dépendance énergétique aux parcs éoliens off-shore en mer du Nord et aux centrales solaires thermiques en Afrique du Nord.

 

Plus jamais ça

Un événement traumatisant

Des catastrophes ponctuelles peuvent influencer considérablement l’appréciation des risques. À ce titre, elles constituent des moteurs importants de la transformation des systèmes énergétiques. En témoignent les développements depuis la catastrophe de Fukushima en 2011 : à peine six mois après la fusion du cœur du réacteur de la centrale japonaise, la Suisse a décidé de sortir du nucléaire. « Fukushima a créé un véritable raz-de-marée en réveillant la peur du nucléaire qui était enfouie au plus profond de notre être », fait observer Dominikus Vogl, chercheur en sciences sociales à l’Université de Berne. Dans une étude consacrée aux conséquences des événements de 2011, il démontre également que l’émotion suscitée par une catastrophe ne retombe que progressivement. Les accidents des réacteurs de Tchernobyl en 1986 puis de Three Mile Island en 1979 ont entaché durablement la réputation du nucléaire. Malgré toutes les affirmations contraires, l’énergie nucléaire continue d’être jugée peu sûre

Toutefois, certains événements sont aussi refoulés dans la conscience collective, si bien qu’ils ne sont pas suivis d’effets ou alors avec beaucoup de retard. C’est en particulier le cas pour les catastrophes insidieuses. Si nul ne peut occulter Fukushima et ses conséquences, nombreux sont ceux qui ferment les yeux sur des évolutions moins visibles mais durables. Le changement climatique qui est parfois encore remis en question en est un parfait exemple. Volker Kiel estime que, le cas échéant, il faut s’en tenir aux faits pour amorcer un changement de mentalité. Et celui-ci d’ajouter : « Il faut sensibiliser les individus aux dangers et aux risques. Sur ce point, nous sommes sur la bonne voie. »

 

À l’arbi du besoin !

Pénurie de ressources

Une société est parfois amenée à adapter son système énergétique parce que les ressources utilisées jusqu’alors ne permettent tout simplement plus de satisfaire la demande. Prenons l’exemple du bois : pendant des siècles, il a été le combustible le plus utilisé dans le monde. La consommation intensive a eu des conséquences dramatiques : alors que la forêt recouvrait encore 90 % de la surface de l’Europe au Ve siècle, elle ne représentait déjà plus que 20 % au XVIe siècle. Conséquence : il n’y avait plus assez de bois pour couvrir la demande, raison pour laquelle ce combustible a été remplacé par le charbon.

Dès le XVIe siècle, des experts britanniques ont supposé que les réserves de charbon s’épuiseraient à leur tour. Voilà pourquoi l’Écosse en a interdit l’exportation dès 1563. Dans une étude publiée en 1885, le physicien Rudolf Clausius a fait part de ses préoccupations quant à l’épuisement des ressources en combustibles fossiles. Dans une vision résolument moderne, il a prôné l’introduction d’une « économie guidée par la sagesse » qui ne dilapiderait pas le patrimoine légué par les générations d’hier. Depuis, peu de choses ont changé. Si les plus sombres prévisions sur la fin des énergies fossiles se sont avérées inexactes, nul n’envisage à ce jour qu’un système énergétique durable puisse ne pas s’appuyer sur celles-ci.

 

Tout repenser depuis le début !

Changement de valeurs

Les bouleversements sociaux ont un impact déterminant sur le système énergétique. À la fin des années 1960, un changement de valeurs en profondeur s’est amorcé dans de nombreuses régions. Alors qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les sociétés mettaient tout en oeuvre pour construire une prospérité sans précédent, les conséquences écologiques de l’économie effrénée se faisaient de plus en plus sentir. La crise du pétrole a montré au grand jour l’épuisement des ressources et marqué « la fin de la croissance », selon la formule consacrée qui a fait le tour du monde. Une jeune génération, galvanisée par le Mouvement des droits civiques aux États-Unis, la guerre froide et la menace nucléaire, a prôné la rupture avec l’ancien modèle de consommation et l’adoption d’un mode de vie nouveau, post-matérialiste. Dans de nombreux pays, des organisations environnementales et des partis écologistes se sont créés.

Un mode de vie écologique et socialement acceptable constitue une mégatendance, qui se manifeste aujourd’hui sous d’innombrables formes – de la mobilité électrique aux objectifs d’une société à 2000 watts en passant par les jardins urbains, la suffisance énergétique, le recyclage ou encore l’économie collaborative. Gaspiller l’énergie est devenu critiquable. Quelle prise de conscience par rapport aux années 1960 ! Nul ne se préoccupait alors de la déperdition de chaleur dans sa maison.